ses doigts se referment, il a sa main dans la sienne. dandelion ne la lâche pas, ne veut pas. l’écho de son rire fuse, un météore dont on ignore la destination. ses genoux, depuis longtemps colorés de vert, embrassent la terre. ses lèvres fait s’éclater des pissenlits à profusion. aime les voir s’élever vers le tableau safrané où s’écorchent les nuages à l’horizon.
assister à une danse aérienne un de ces ballets d’autrefois
dandelion jurerait percevoir l’audience, saisir l’éclat de leurs yeux enfiévrés. comment se divertissait-on derrière ces murs, au pied du rideau ? avant que ne s’enfilent les herbes à travers les fondations. lui qui s’amourache d’un crépuscule jaillissant. la gemme se retourne vers cette main dans la sienne. roi des champs pour quelques secondes, dandelion aimerait s’abreuver au savoir de croatoan. est-ce que tu t’en souviens, toi ?
main illusoire ((chimérique)) entre ses doigts s’écrasent les pétales d’un héliotrope la délicatesse de sa peau n’était qu’une fleur
((mais quelle fleur))
- roa ? -
dandelion se redresse. le corps en liesse. la nuit arrive. bientôt les champs - du vert au fer - seront blanc lunaire. bleu stellaire. ça lui donne envie de courir et il s’élance. une tête de coton à travers les feux célestes. file à travers temps – les mains qui glissent le long des tiges – jusqu’aux inclusions de roanoke.
quand il l’aperçoit découpé sur les nuées, baigné par hélios endormi, dandelion lève les bras.
- croa ! je te cherchais ! tu faisais quoi ? -
dandelion qui s’écrase entre les herbes. tout près. il laisse échapper une pluie d’étoiles filantes, elles chantent à la sortie de ses lèvres.
- c’est drôle croa parce qu’il n’y a pas une heure j’avais tes doigts dans les miens et je te parlais de ce roi au palais de verre. ça devait être magique, un plafond de verre, un lit de verre... comme ta main, elle était magique parce que tu vois, tes doigts ils se sont transformés en pétales, regarde. ils sont encore dans ma main. -
les éclats d’héliotrope au cœur de sa paume des éclats fins comme les mots de croatoan.
Il ne fait rien, Croatoan. Il aspire au rien, respire le rien, transforme ce rien, en peu, en tout, en toi, en lui, surtout. Le ciel aussi ne fait rien. Il est grand. Il est long. Il est profond. Il est présent, mais n'agit pas. C'est un décor, un paysage, une source d'un conte, d'un sourire, d'une histoire, des baisers, ainsi que des larmes.
Son regard perdu dans les étoiles, il ne voit pas, mais il sent. Ce corps, à côté du sien, qui s'écrase, fait trembler les herbes au gré d'un minuscule vent. Et les mots, étranges, normaux, sortent des lèvres. Croatoan écoute. Il ne bouge pas, mais écoute. Il écoute le ciel qui parle, la lune raconter. La lune raconte un rêve, même les astres peuvent en faire. Mais ils ne peuvent guère bouger, ne possède pas de mains. Alors,
il tourne son visage, les yeux brillants.
oh ! Dandelion ! Tu tombes bien, tu sais ? La lune vient de me parler. Elle me cherchait, je dois sûrement valoir quelque chose. Peut-être que j'ai découvert son secret, à force de l'observer. Mais un secret est un secret, alors je ne dirais rien, même à toi. Il lâche un sourire, Croatoan, mais nul ne le peut le voir, derrière son masque. Ses yeux sont heureux, à moins que ce ne soit malicieux, et un rire cristallin s'échappe de ses lèvres. Elle est jalouse, tu comprends. Elle a parlé d'un roi au palais de verre. Il bouge sa main sous son menton, intrigué. Peut-être qu'elle me disait mon futur, qui sait. Tu y crois, toi? Les deux mains de l'enfant virevoltent en hauteur, comme pour demander ce qui lui a été promis,
mais rien ne vient.
Alors il rit, encore et encore. C'est un bon vivant, Croatoan. Il a les yeux tendres lorsqu'il pose son regard sur les autres. Il est d'une douceur lorsqu'il prend la main du nuage entre les siennes, surpris. Mais ! Saperlipopette! Il rapproche son visage des pétales. Dandelion, mes mains sont dans les tiennes, ce sont mes pétales ! Serait-ce toi, la lune ? Non … non … le roi?
dandelion aime l'entendre rire. ils sont comme ça, dans les herbes, ces deux enfants. comme ça penchés au-dessus d'une partie de croatoan. le vagabond cartographie les gestes de son ami tandis qu’il englobe la distance entre ses doigts et son visage. dandelion, d’une douceur religieuse, corde les pétales sur sa peau.
il les fait scintiller sous le ciel. pincé entre ses doigts, un pétale s'élève que la calcédonite approche de ses pupilles. tend vers vega puis vers roanoke.
le fait se réfléchir pour qu’à travers son visage, le corindon puisse apercevoir sa propre histoire. et dandelion reste accroché aux constellations.
- tu en as de la chance ! tu imagines si je les avais perdus en route, tes doigts ? comment est-ce que tu ferais pour me saluer sans tes mains, hein ? petit souffleur de vœux dépose ses trésors sur les genoux de l'ami. tendre expression. gestes méticuleux. ahlala croa, en tant que futur souverain, il faut faire attention ! moi, tu vois, je suis persuadé que dame lune elle parle de toi. -
dandelion, brusquement, se redresse. il a sur les lippes ce sourire si familier, cette joie qu’on lui connaît depuis – semble-t-il – une éternité. et sa voix clame, éclot dans l’air.
- mais oui, c’est vrai ! c’est bien bien vrai ! après tout un roi, ça possède une couronne et la tienne elle est là. sur ton visage. -
dandelion, brusquement, s’incline. ((deux temps pour une mesure)) il recueille dans ses mains en coupe le masque de croatoan, caresse ces joues qu’il chérit.
- avec tes jolies pierres dans les yeux. pas dans tes cheveux, car ça risque de les abîmer. je pense bien que c’est lourd à porter une couronne sur la tête. -
il rit à son tour. à deux, seuls au monde, cachés par les étoiles, dandelion se sent infiniment heureux. c’est bon de vivre avec toi, roanoke. arrêtés dans le temps, un segment figé dans le cours des choses. si le cartographe était un astre, il souhaiterait devenir météore, pluie filante vers son ami. dans sa chute, il ne songerait qu’à sa chaleur, n’attendrait que le creux de ses bras dans lesquels s’embraser.
- je n’ai pas besoin de connaître votre secret. si c’est à toi que dame lune se confie, c’est que tu es très spécial. solennel. il recule. promet en chevalier, main sur le cœur. moi, mon devoir c’est de m’assurer que tu restes très spécial. sinon le verre ne saura pas briller. il faut une étoile pour éclairer le palais. c'est les fleurs qui le disent. -
promis juré écoute elles chantent ton règne avec leurs pistils !
- et dis donc croa, ce que tu en es une fabuleuse, d’étoile ! -
Dandelion a un sourire tendre, tout comme les nuages. Son sourire est nuageux, oui, aussi léger que le lait. Il saupoudre les mots, tout comme on saupoudre le thé. Croatoan le regarde tout comme il l'écoute, de manière étrange derrière son masque. Croatoan devrait gêner face à tant de bonté, tant de mots qui ont pour but de le toucher, mais surtout ces doigts qui effleurent son masque adoré. Ô Dandelion, si tu savais. Il a une voix nostalgique, Croatoan. Une voix qui ne trompe pas. Il a des souvenirs, qui eux sont encore présents. J'aimerai que mes pierres soient jolies, qu'elles soient dans mes yeux. De ses doigts, il saisit ceux de son ami, les frotte doucement, les chéri. Si tu savais …
Le voilà qu'il colle son front contre les doigts de cette gemme, de ce frère adorable qui le soutient tant. Je suis peut-être un roi, mais tu es empereur, car ta douceur n'est que candeur, et qu'aucune autre gemme n'a pas arriver sur terre d'une manière aussi douce que la tienne. Il dépose un baiser imaginaire sur les doigts présent devant lui, bien que ses lèvres ne touchent pas sa peau, grâce à son masque, ce deuxième visage qu'il porte, aborde de manière si fière et si attristée.
Je suis une étoile bien fière de t'avoir, toi qui ne juge pas un tel roi, empereur des mœurs qui pardonne tout, même les plus tristes choses. Si dame la lune me parle, c'est peut-être que je suis son fils croque-mitaine, qui possède à la place de son visage le moyen de broyer les doigts qui dépassent des lits, ainsi qu les nez qui gèlent au froid. Car les pierres de sa gemme ne se cachent pas derrière des vêtements, mais apparaissent parfaitement sur ses joues, sur son front, mais aussi sur ce nez et ces lèvres qui lui appartiennent. C'est un drôle d'homme, Croatoan, c'est un homme monstrueux et brillant, qui d'une triste poésie, raconte des histoires aux enfants. C'est le marchand de sable et le monstre en même temps.
Sais-tu ce que la lune me dit ? Elle dit que le ciel ne regrette pas de t'avoir envoyé ici, et que tu n'as guère à t'incliner devant moi, car l'égalité est de mise pour remercier ta bonté. Il a un sourire sous le masque, que nul ne peut voir. Il a voit la sereine, désormais, car ses coups de blues ne durent vraiment jamais.